« Retour de l’état naturel » ou aller à l’état normal
Vers une sociologie du lendemain de Covid19
Rachid Bekkaj – Sociologue
introduction
En période de Covid19, il est important de comprendre par quels outils certains politiciens et mass médias ainsi que les internautes incitent la population à se confiner ou à se vacciner. Quel regard portent-t-ils à l’égard de cette population ? Est-il possible que leur prétendue prophétie est réalisable dans les conditions d’avenir ? Pour se faire, il est nécessaire de prendre en compte le langage utilisé ainsi que les conceptions (les représentations) de l’après corona virus. Ce langage et ces conceptions constituent pour le sociologue l’opportunité pour remettre en question certains termes ou notions, qui sont souvent utilisées dans cette période, et que l’on adopte comme des notions scientifiques par erreur ou par ignorance ou bien par manque de vigilance épistémologique.
Pour le sociologue, le fait de questionner ces notions et ces prophéties, prononcées sous forme de notions, annonce le début d’une phase de mise en question et de reconstruction des conceptions qui pourront influencer les gens surtout dans le discours scientifique. Nous devons admettre que les dynamiques historiques obligent à interroger les notions prétendues vrais. Dans chaque étape de son développement, la science doit se douter des idées et des formes convenues de l’histoire des écrits scientifiques.
Cela constitue pour le chercheur en sociologique autant de possibles ruptures dans la construction des connaissances. Il s’agit, dans ce cas, d’une redéfinition des notions non soumise à l’évidence (Jobard, 2002).
Certes qu’il y’aura un avant et un après le corona Virus mais comment l’après corona19 se présente-t-il dans le discours ? Et comment ceux qui le produisent voient–ils la population consommatrice de ce discours ? Y’a-t-il un autre regard qui est plus adapté à la réalité et qu’on peut surement annoncer avec la même langue ?
Afin de répondre à ces questions, il est nécessaire de faire une analyse à ce discours afin de mieux comprendre ce regard dans son contexte. Cependant, et suite à notre observation, nous proposons de questionner la notion « retour de la vie naturel » en arabe « -عودة الحياة الطبيعية» ; ou comme disent d’autres « retour de l’état naturel » en arable « عودة الحالة الطبيعية» que certains politiciens utilisent pour annoncer le retour de la vie d’avant la pandémie. Ce pendant d’autres contestent ce retour et parlent de « retour de la vie normale » en arabe « عودة الحالة العادية ».
Un sujet que l’on pense pertinent, vue le contenu du discours et de ce qu’il provoque comme réaction individuelle ou collective. Ce qui évidement suscite des interrogations à propos de son contenu en fonction de son application sur le terrain et ses raisons d’existence ainsi que de la situation politique et économique vue dans son contexte. C’est-à-dire son effet réel sur la démarche suivie pour réaliser le confinement ou pour faire imaginer l’après pandémie chez la population. De ce fait, il est nécessaire de noter que le sujet se positionne selon notre approche dans la théorie de la distinction entre le normal et le pathologique (Bayet, 1907).
En ajoutant l’approche sociolinguistique ce qui permet de l’aborder sous un autre angle.
Suite à cette remarque préliminaire, on pourrait mettre le point, au premier abord, sur le naturel et le langagier ou la langue, comme question, a été soulevée par des linguistes aussi bien que par des anthropologues et sociologues. Ce que les politiciens et les mass medias annoncent, c’est un message transmis par la langue, c’est à dire par des mots. La question est : Peut-on parler de la vie naturelle comme on parle de la langue comme phénomène naturel ?
L’histoire des langues, et surtout les différentes théories de la langue, montrent bien qu’il existe plusieurs approches qui sont si nombreuses, et parfois si divergentes, qu’il est devenu difficile d’en faire le tour :
Celles qui appréhendent le langage comme un système et présente la langue comme un patrimoine culturel transmis de génération en génération,
D’autres mettent l’accent sur l’aspect arbitraire des signes de la langue alors que la fonction symbolique de la langue, selon certains sociolinguistes, pouvait s’exprimer sous d’autres formes d’expressions. La recherche dans ce domaine conduit les études neurologiques à l’usage du langage. Selon les résultats obtenus celui-ci, c’est à dire l’usage de la langue chez l’homme, repose sur une faculté mentale spécifique (Journet, 2000).
À l’issue de cette tentative de présentation de ces différentes approches, et suite à l’approche sociologie historique qui s’intéresse aux trajectoires sur le temps long des sociétés, on n’hésite pas de souligner l’absence de corrélation, entre “la vie naturelle” comme notion produite dans ce contexte et la langue dans un sens ou dans l’autre.
L’impossibilité d’établir cette démarche directe entre les deux n’empêche cependant pas l’existence d’une multitude d’interaction entre nature dans le sens large et langue.