La psychologie, une profession autorisée mais non reconnue – Abdelkarim Belhaj

La psychologie, une profession autorisée

mais non reconnue

Abdelkarim Belhaj

       Nul ne peut contester le rôle et l’utilité de la Psychologie dans la vie des individus et de la société, et ce n’est pas une nouveauté d’affirmer que c’est une science avec des applications formatives et thérapeutiques. Aussi, nul ne peut nier l’existence de la Psychologie au Maroc. Dans l’enseignement supérieur, elle occupe une place qui a son importance dans le domaine des sciences humaines, avec ses options recherche et application. Dans ce contexte, donc, la Psychologie qualifie à une profession qui intervient sur la santé, notamment mentale, mais qui n’est pas médicale. Qu’on le veuille ou non, c’est une profession en activité, car exercée par des praticiens spécialistes, bien qu’elle soit encore sans cadrage formel et statutaire dans notre pays. Cette situation de profession autorisée mais non reconnue est particulièrement paradoxale, et elle n’a que trop duré, alors qu’elle n’est pas due à une quelconque inadvertance ou défaut d’application de la part des membres de la famille de cette discipline, qu’ils soient universitaires, enseignants ou professionnels. Mais, le concours de circonstances et de conjonctures jusqu’à aujourd’hui est pour beaucoup dans le maintien du statu quo qui caractérise la situation de la psychologie en général et la profession de psychologue en particulier.  Par ailleurs, il est à noter que la situation de la psychologie dans le contexte marocain présente quelques particularités qui ne manquent pas d’ambiguïté́ et qui sont repérables soit au niveau de la connaissance telle que travaillée et animée, soit au niveau des perspectives d’applications qui en dépendent ou encore au niveau des deux langues (arabe et français) qui partagent la formation et l’information. Mais, pas au point de lui méconnaitre un cadre officiel permettant de faire preuve d’apports prometteurs au bien-être des gens. Il y a lieu de reconnaitre, aussi, que les immiscions dans les territoires de la psychologie par certains prétentieux participent à nourrir la confusion et à ternir une image claire et conforme de la discipline, déjà̀ en mal d’assise identitaire. Vu, la psychiatrie qui l’étouffe du côté de la clinique et de la pathologie, le coaching qui la concurrence dans les mondes des entreprises et de l’école, et ainsi de suite pour des disciplines comme les sciences de l’éducation et la théologie avec ses dérivés popularisés qui, à leurs tours, s’approprient des angles de vues et de pratiques développés par la psychologie. En somme, cette discipline est menacée dans son propre territoire et dans son existence. Dans ce contexte, nul ne conteste le fait de parler de la psychologie qui est un fait comportant quelques difficultés, non pas de conception ou de modélisation, mais bien de perception et de représentation sociale qui restent bien connotées d’équivoques, si ce n’est pas d’ignorance systématique. Alors que la présence de la discipline et ses apports occupent une place honorable dans les établissements de formation, même que ses services sont très sollicités ici et là, pour avis, interventions et autres actions. Dans ce cadre, on peut affirmer au regard de l’état des lieux aujourd’hui que la psychologie parait, plus que tout temps, bien en mouvement dans plusieurs secteurs et les psychologues sont, pour leurs parts et dans une vision citoyenne, très animés pour entreprendre toute action pouvant contribuer à une reconnaissance et l’institution d’une existence formelle qui lui définissent ses droits et devoirs.

Cependant, il y a lieu de signaler que les voix et les plumes de professionnels (universitaires et praticiens) n’ont pas cessé́, et ce depuis longtemps, de faire valoir ces aspects et les utilités de la Psychologie tout en rapportant des mises au point qui lui sont associées, soit à l’occasion de rencontres (colloques, tables rondes…), ou à travers des écrits (articles et ouvrages…), ainsi que dans le cadre d’une participation à l’information et à la vulgarisation scientifique dans les médias, etc. Les professionnels (universitaires, praticiens, acteurs,..etc.), conscients de leur responsabilité historique et motivés pour faire entendre leurs voix, se mobilisent pour changer la donne et sortir la psychologie de ce cercle vicieux dans lequel elle se trouve enterrée jusqu’à présent. À cet effet, donc, les psychologues de différentes options que comporte la discipline joignent leurs efforts pour asseoir une véritable culture professionnelle de la psychologie et s’activent dans une dynamique revendicative relativement à l’institutionnalisation et la légalisation du statut à la profession. En outre, il est à rappeler que les métiers qui font honneur à cette discipline dans l’accompagnement de l’être humain (depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse et dans ses différents contextes de vie) sont l’objet, et depuis longtemps, de formations accréditées et reconnues dans les établissements de l’enseignement supérieur (publics et privés), notamment les métiers de psychologue clinicien et psychologue du travail, alors que le caractère officiel de l’exercice ne suit pas, sauf quelques formes de fonctionnariat les reléguant à des rangs d’aide ou d’assistant, voire d’administrateur dans la fonction publique et semi-publique, quant au secteur libéral c’est une affaire privée comportant beaucoup d’embûches relatives à une légalité hypocrite.  Il est temps, et dans une extrême urgence, que le titre de psychologue soit établi et accède au statut protégé. Dans cette perspective, il n’y a pas à continuer de se détourner de l’objectif qui mobilise les passions. Le titre de psychologue doit acquérir une reconnaissance statutaire et bénéficier d’une protection règlementaire afin de clarifier les droits et les devoirs d’une part, et de mettre un terme à l’état d’anarchie qui sévit dans la contexte sociétal (médias, formations, pseudo-thérapies…). Ainsi, si revendication il y a d’une réglementation pour l’exercice de la profession de psychologue, c’est que la situation s’est amplifiée d’inconforts, de pratiques incongrues et de contrefaçons. Une revendication qui n’a rien d’un privilège et ce n’est pas un luxe d’un titre à afficher ou à vanter, mais c’est qu’il s’agit bel et bien d’une protection de cet exercice contre toute forme d’usurpation, de manipulation et son ajustement aux règles de l’état de droit. Les psychologues, donc, ne demandent qu’à se mettre en conformité avec le système et à s’inscrire dans les normes organisant l’exercice professionnel, à savoir le code du travail, et de pouvoir assumer leur devoirs et obligations envers cet état de droit. D’autant plus que les praticiens en activité souffrent de l’absence de clarté au niveau de ces devoirs et obligations, et sont l’objet de bricolages quant aux adaptations réservées à leurs situations professionnelles.

Il faut dire que cette situation incompréhensible au Maroc ne favorise nullement les activités formatives ou autres dans une perspective d’actualisation et de mise à niveau, ainsi que dans une finalité productive et créative afin d’accompagner la société dans sa quête de développement. Ce qui manque, c’est une considération officielle et étatique, car les spécialistes de l’écoute, en l’occurrence les psychologues, ne demandent qu’à être écoutés, maintenant qu’ils se sont engagés à prendre la parole pour se faire entendre, tout en étant animés par le souci de voir la psychologie prendre la place qui lui revient de droit dans la société́ et selon des règles bien définies pour un exercice honorable de la profession de Psychologue.

Une rencontre organisée le 30/11/19, par le Réseau de psychologues réunissant praticiens et universitaires dans l’espace Agora à Casablanca, a été l’occasion d’échanges en vue de l’élaboration d’une feuille de route pour la quête de reconnaissance.

 L’article en format PDF